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Interview de Dominique Baudon

Si tu devais un peu définir ton travail, le présenter très brièvement ?

C'est le prolongement d'un travail de plusieurs années qui est parti du pli, d'abord en dessin et puis avec des magazines ou d'images préexistantes. Pourquoi le passage du dessin à ces images préexistantes, je pense qu'il y avait aussi l'envie de passer à quelque chose qui se positionne plus «  politiquement ».

Si tu le décris verbalement, comment est fait ton travail, qu'est-ce qu'il montre ?

Je suis partie un peu d'une saturation de l'image, de celle qui nous envahit en permanence comment réhumaniser cette image tellement lisse, tellement stéréotypée, tellement hygiéniste, tellement propre? Comment la réhumaniser, la remettre telle que nous sommes nous ? Par exemple dans le travail de l'image de la Vierge à l'enfant, il y a un coté iconoclaste et puis comment réhumaniser cette image idéale de la mère à l'enfant ? Comment amener quelque chose de plus sensible, plus proche de l'humain.

Par rapport au titre de l'expo Couper/Copier/Coller. Est-ce que tu te sens concernée par ces trois opérations, ou est-ce qu'il y en a une qui te touche d'avantage ?

Non, elles me sensibilisent toutes les trois. L'acte de couper par exemple. Il me semble assez cruel, je coupe la tête, je coupe les têtes, il y a un acte assez brutal. Puis à partir de colle
Copier parce que c'est une image qui est déjà reproduite un certain nombre de fois dans chaque cas et coller aussi puisque la colle c'est mon médium. C'est ce que j'utilise pour le pli. Les trois termes me touchent.

Par rapport à copier. Tu peux définir un peu mieux l' aspect «  copier » dans l'idée de répétition ?

Je travaille à partir d'images qui sont copiées, à partir de tableaux et dans la quantité. Des images reproduites, préexistantes et des images multipliées.

Qu'est-ce que ça t'apporte cette multiplication d'une même image ?

Cette variation permet de revenir aussi à cette idée de retour à des choses plus humaines, une expression peut-être travaillée dix fois, quinze fois, vingt fois et chaque fois le tableau se modifie rien que par un pli ajouté. C'est copier dans le sens que c'est la même image qui est travaillée chaque fois et cëest le pli qui donne la différenciation. C'était une façon pour moi de pouvoir traduire des expressions très différentes. On sent que c'est le même tableau et en même temps l'image signifie autre chose. Le sens de chaque image devient différent parce qu'il y a aussi toutes les autres.

Couper, acte cruel et répéter, variété d'expressions humaines. Et coller, il y a un rapport aussi à l'humain ?

C'est le médium qui correspondait à ce que j'avais envie techniquement, ça me permet de travailler en volume . ça me permet de travailler le volume du pli.

Le papier trempé dans la colle il a cette viscosité de la peau arrachée...

C'est s˚r que quand c'est mouillé, il y a souvent il a quelque chose de lié à la peau. Assez proche du toucher que tu peux avoir avec les personnes. Tu modèles, tu touches, tu as les mains qui se perdent dans quelque chose... ce qui pourrait arriver dans le contact avec quelque chose d'assez humain. Tu ne fantasmes pas et en même temps c'est quelque chose qui est venu assez naturellement.

Et par rapport au travail sur les tableaux, est-ce que ça met en rapport que tu as à l'histoire de l'art ?

C'est un rapport par rapport à l'art tout court... C'est un questionnement sur comment les choses se transmettent à travers l'image. Comment elles ont été transmise et comment elles viennent à nous maintenant. J'ai un peu cette impression de faire des «  sauts » et puis il y a un coté qui m'amuse de faire de petites images iconoclastes. D'avoir envie de transformer quelque chose qui paraissait évident par rapport à l'oeuvre d'art. Désacraliser et en même temps revenir peut-être à une autre forme de sacré... Le rapport de la mère à l'enfant par exemple c'est une relation qui a été abordée dans toute l'histoire de l'art et la réduire à peu de chose et la retransformer en autre chose...toutes ces étapes là m'amusent.

C'est une réaction contre les images lisses qu'on nous propose, est-ce que c'est aussi le même rapport aux images de l'histoire de l'art ?

Oui, je pense. Si on reprend cette relation là, d'une image qui a traversé le temps, le catholicisme, dans une relation idéale, sans carnation... ça m ëamusait aussi de travailler cette carnation, un redevenir «  chaire ». Tous ces passages là m'intéressent.

Ce sont précisément des images lisses ces images maniéristes.

Ce sont de très belles images. Quand on voit par exemple tous les ornements qu'il y a dans le vêtement. Qu'est-ce qui s'est passé d'un point de vue esthétique, pourquoi ça a intéressé à ce point là le peintre et qu'est-ce que moi j'en retiens. C'est un peu ludique aussi, qu'est-ce moi je retiens de cette robe par exemple.

Cette question plus éthique, politique. C'est par rapport à quoi, aux images de magazine ?

ça tourne quand même autour de l'image de la femme. Quand tu vois ces centaines de magazines qui véhiculent une telle image de ces femmes; quand tu coupes des centaines de têtes et que tu les coupes sans les cheveux; à un moment donné tu te rencontres que toutes ces femmes sont semblables, il y a une espèce de clonage. Il n'y a pas de différence et pour moi il y a une espèce d'écoeurement par rapport à ce stéréotype... Je pense qu'à travers ça il y a l'écoeurement de toutes formes de codification, je prends ça parce que je suis une femme et que ça me touche mais c'est plus large. Ce n'est pas que ça, c'est le rejet de toutes formes de codification aussi.
C'est aussi pourquoi cette image nous revient lisse alors qu'on ne l'est pas ? Qu'est-ce qu'on espère à partir de cette image qu'on nous présente en permanence alors qu'elle en correspond pas à ce qui se passe c'est-à-dire cet écart entre l'image et le réel ? C'est une position qui n'est hyper claire mais qui est de l'ordre de l'étonnement. Pourquoi cet écart, pourquoi a t-on besoin d'une image aussi lisse, aussi hygiéniste et «  codée » par rapport au réel et à ce qu'on vit au jour le jour.
Je ne dis pas qu'il faut dramatiser les problèmes mais en même temps c'est là, et comment, pourquoi existe ce besoin d'images lisses.
Je n'apporte aucune réponse, moi je pose une question. J'apporte peut-être pour moi même des éléments de réponse. «a m'inspire de chercher mais je n'ai pas la prétention de répondre à quoique ce soit...

Didier Decoux

Exposition à l'Espace B

Article de Christian Maroy

Interview de Dominique Baudon par Didier Decoux

Article de Nathalie Pirotte

  
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