Rencontrer le travail de Gisèle Van Lange
est aller à la rencontre d'un univers qui, au premier
abord, peut nous paraître familier dans sa représentation
mais qui très vite, sous l'appui du regard, se dégage plus
hermétique qu'il n'y paraît. Ses sources d'inspiration
sont la nature et principalement le monde végétal. Force
est d'observer que depuis l'éclosion jusqu'au
flétrissement, une vie organique à la fois fragile et
forte s'y organise dans un chassé-croisé. Sous l'apparent
silence serein grouillent et bruissent toute une flore et
un bestiaire cachés dont on imagine que leurs apparitions
pourraient tant être lois d'équilibre que prédation. Des
lignes de forces contraires, parfois proches de
l'abstraction, des tensions entrecroisées, des réseaux
superposés sur plusieurs plans, ... semblent repousser les
limites de la toile comme si cette nature allusive
(troncs, branches, lianes, bourgeons, noeuds, ...) voulait
reprendre ses droits. L'artiste nous précise: « J'aime que
les surfaces se rencontrent dans des sens différents pour
obtenir des réseaux, pour que les formes se nouent entre
elles, avec des noyaux qui semblent contenir l'énergie
vitale à cÙté de zones plus moelleuses, ce qui crée des
va-et-vient dans l'espace. » Gisèle Van Lange privilégie
toujours le dessin qui sert également de point de départ à
ses peintures où il devient un schéma, une trame où vient
vibrer le velouté de la peinture. Nature-Nature de la
peinture. Lorsque le dessin se couvre d'huile, toutes les
vibrations, pulsions, connexions,... perdent leur limite
figée par le trait. Peinture dessinée d'où jaillissent les
bleus, les gris, les verts, les noirs... soutenus par des
lieux de silence où la toile reste vierge pour mieux en
rendre la lumière intérieure. L'artiste tente de rendre à
chaque parcelle son intensité afin que le regardeur puisse
communier avec les forces vives présentes au moment de
l'acte peint. Aucun espace n'est clos, chacun d'eux se
prête à une perpétuelle mutation comme le sujet de la
nature qui l'inspire. Cette quête de l'heureuse
conjonction des couleurs et de la composition poursuit
Gisèle Van Lange au-delà du chevalet. Au bord du sommeil,
l'artiste revisite la toile en cours qui lui semble avoir
poursuivi, seule, le travail dans un chatoiement et
équilibre d'une beauté indescriptible. Lieu de vertige. On
comprend que Gisèle Van Lange tente d'atteindre cette
image entraperçue et se résout difficilement à achever une
oeuvre.
Née en 1929, Gisèle Van Lange a étudié le
dessin et la peinture à l'Académie des Beaux-Arts de
Bruxelles. Elle a reçu de nombreux Prix (Célestin Jacquet,
Poirier, René Janssens), a été sélectionnée au Prix de la
Jeune Peinture belge (1959-60-61-64), est membre fondateur
des groupes Manus et Artes Bruxellae. Elle présente ses
oeuvres dans des expositions collectives à partir de 1957
et a sa première exposition personnelle à Paris en 1960.
Ses récentes expositions personnelles ont eu lieu au
Triangle Bleu à Stavelot, à la Fondation pour l'Art
Contemporain et à la galerie Jane Bastien à Bruxelles.
Elle a participé à de très nombreuses expositions
collectives en Belgique dont récemment au Musée de
Louvain-la-Neuve, à l'espace Allende de l'U.L.B. et à la
Galerie du Prêt d'Oeuvres d'Art de Woluwé-Saint-Lambert.
Cette femme, exigeante et d'une très
grande sensibilité, n'a pas hésité, il y a plus de 50 ans,
à se jeter dans l'aventure audacieuse de la peinture et
mérite une reconnaissance justifiée. Ses oeuvres font
partie de collections privées et publiques (Communauté
Française, Province du Brabant wallon, Musée d'Ixelles,
Musée du Petit Format de Couvin, Banque Nationale, ING,
Crédit Communal,...). Plusieurs ouvrages font référence à
son travail dont le dernier « Art belge au XXè siècle » de
Serge Goyens de Heusch aux Editions Racine, 2006. Elle
prépare également avec Serge Goyens une « Conversation »
aux Editions Tandem qui sortira parallèlement à cette
exposition.
Chantal Bauwens
Glabais, janvier 2007
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