Isabelle Happart
Isabelle Happart pratique l'autoportrait comme une ascèse, une
expérience intérieure dont la rigueur et une absence absolue de
complaisance envers soi autorise la répétition.
Scruter son visage dans le miroir. Chercher à rendre, par la
pointe-sèche, la pénétration de l'‚me par le regard. L'extrême
concentration qu'exige un tel acte se traduit, dans l'image, par
une « charge » qui souvent exprime la solitude. Le visage souvent
se repose sur la main droite en un geste familier des rêveurs
habités par la mélancolie.
Les portraits de ses amis participent d'une même exigence de
vérité. Isabelle Happart, en chacun d'eux, met à nu le visage
intérieur du modèle, en dévoile les mouvements secrets, en
bouleverse les traits, les éclairants de l'intérieur. Une
impression d'étrangeté familière émane de ces portraits.
Les bois gravés d'espaces intérieurs constituent un autre versant,
plus serein, silencieux, de l'univers d'Isabelle Happart. Ils
déploient les lieux d'une attente secrète où apparaissent
furtivement les figures d'un thé‚tre intime. Présence et
effacement. Architectures de papier, où l'espace s'ouvre et se
ferme comme un éventail de couleurs p‚les, automnales. Comme dans
les premières pièces de Maeterlinck, quelque chose de vital se
prononce au dehors.
Les paysages (aquatintes) de Normandie, de Chine ou de Syrie
invitent au voyage. La puissance et le charme de ces images
tiennent à la minutie sensible de leurs traits. Ils expriment
l'essence du voyage, sa condensation intemporelle et universelle.
Expérience des déserts traduite en une rêverie mémorielle.
Ce travail sur l'espace aboutit à la réalisation, déliée de tout
formalisme, de grands dessins de corps naturels saisi sur le vif,
dans l'atelier. La technique superbe de la peinture à la tempéra
donne force et douceur aux figures d'une chorégraphie dont
l'espace est le premier catalyseur. C'est la source blanche du
papier, de la scène qu'il déploie pour ces corps vivants par la
lumière et l'ombre, que naît une impression de liberté heureuse.
Serge Meurant
Décembre 2005
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